Sonja : spirituellement incorrect
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Dis, c'est quoi l'Éveil ?
Aaaaah l'Éveil! Le gros lot, le ticket d'or, le Graal, le but ultime de la quête spirituelle! Toute notre recherche s'articule autour de ce concept et pourtant... on a beau avoir lu 150 livres, s'être rendus à 540 satsangs, médité 150000 heures, il continue de nous échapper. Un moment on pense avoir capté ce que c'est et la seconde d'après pfiou! disparu, c'est à nouveau le brouillard! Pour compliquer le tout, on retrouve des propos complètement contradictoires d'un "éveillé" à l'autre... mais alors, c'est quoi l'éveil spirituel, le vrai, l'authentique? Et si on abordait le sujet sous un autre angle? Si, au lieu de chercher à définir précisément ce qu'est et ce que n'est pas l'Éveil, nous trouvions tout ce que les différentes perspectives ont en commun? C'est donc avec cette optique inclusive à l'esprit que j'ai écrit cet article, qui fait un état des lieux des principales visions de l'Éveil en milieu spirituel, afin d'en indiquer les principales embûches et d'en extraire la substance commune.
L'Éveil spirituel en tant qu'expérience
Lorsque le chercheur commence sa quête, il tombe très rapidement sur des textes de descriptions d'Éveil spirituel, qui vont l'amener à croire que l'Éveil est une expérience absolument extraordinaire, complètement hors du commun. Des expressions telles que "tout est lumière", "la séparation est une illusion", "tout est un", "le nirvana" etc. vont immédiatement créer des images fantastiques dans l'esprit de celui qui cherche.
Le truc, c'est que bien que ces descriptions soient authentiques, leur réalité n'a, bien souvent, rien à voir avec l'idée que l'on s'en fait. Pourquoi? Parce que ce type de témoignage emerge d'une dimension* différente de celle où le chercheur se trouve généralement. Il décrit une réalité que l'on pourrait qualifier de subtile, dans un espace ou ce qu'on appelle le mental** est absent. Les mots employés POINTENT vers une réalité mais ne peuvent pas la définir de façon tangible. Le souci, c'est que le chercheur lui, ne parvient à être en relation au monde qu'à travers le mental, c'est d'ailleurs son plus gros obstacle. Il ne peut donc recevoir ce qui est transmis tel quel, c'est filtré par la machine cérébrale, et ce qui lui parvient se présente donc sous forme de concepts et d'imagerie concrète. C'est un peu comme parler de poésie à un marteau; la
fonction du marteau est très claire, définie, efficace, et ne peut comprendre toutes les nuances et subtilités que requiert l'art poétique, quel que soit l'effort fourni, ça n'est tout simplement pas là sa nature. De la même façon, le cerveau ne peut appréhender la réalité impalpable et invisible à laquelle ces paroles font référence, ce n'est pas ce pour quoi il est conçu. Si vous avez une idée à propos de l'Éveil, il y a de fortes chances que vous l'ayez loupé.
À cet imaginaire de l'Éveil, il faut également noter qu'il est tout à fait possible de vivre des expériences de conscience modifiée spectaculaires, qui vous propulsent en plein centre de l'univers, vous éjectant temporairement de la "matrice" de votre humanité. Elles peuvent même parfois être combinées avec la réalisation de l'Éveil, mais ce n'est pas systématique. Si c'était le cas, toutes les personnes consommant des psychédéliques & autres enthéogènes seraient toutes de parfaits sages éveillés, ce qui est loin d'être le cas (demandez à Charles Manson et ses amis). Ces expériences peuvent même nous éloigner de la simplicité de la réalisation de l'éveil en nous rendant "accro" aux expériences grandioses, qui deviennent alors notre unique moyen d'accéder à d'autres niveaux de notre être.
Cela ne veut pas dire que vous devriez fuir ces rapports d'expériences pour autant, ils ont une très grande utilité : ils nous titillent et nous mettent sur la voie, en nous rappelant une vérité profonde que nous avons oubliée... si l'enseignant parle depuis son expérience directe, sa fréquence vibratoire peut même momentanément nous donner accès à l'espace de l'Éveil (pensez à Eckart Tolle et son incroyable présence). En revanche, ce genre de témoignages a aussi la forte tendance à éloigner le chercheur d'une réalisation finalement très simple, ce dernier s'imaginant alors des trucs de fous. De plus, ces témoignages décrivent souvent des expériences soudaines et fracassantes, et il n'est pas rare que le guide lui-même passe complètement à côté de la simplicité de ce qui vient de lui être révélé. Pour mieux comprendre ce point, imaginez que l'humanité tout entière soit en surpoids depuis des millénaires, ignorant totalement qu'il soit possible de vivre autrement qu'en ressentant une certaine lourdeur. Imaginez alors qu'un beau jour, vous perdiez subitement 100 kilos, l'expérience serait incroyable, de vous sentir si léger, si soudainement, n'est-ce pas? Vous passeriez probablement une bonne période dans un état d'extase et d'ivresse extrême, racontant à qui veut bien l'entendre à quel point la vie n'est que légèreté, et comment cette réalisation vous est parvenue. Mais maintenant, imaginez perdre ce poids progressivement, sur plusieurs années... vous n'auriez alors aucune expérience extraordinaire à raconter, aucun moment précis à pointer, et pourtant tout comme dans le premier scénario, la légèreté est bien là (à ce propos, pouvez-vous définir très exactement ce qu'est la légèreté ?) Il en va de même pour l'Éveil, c'est aussi insaisissable que la légèreté.
* Lorsque je parle de dimensions, n'allez pas vous imaginer des trucs incroyables à la Star Trek; j'utilise ce mot simplement pour désigner différents états, saveurs, de notre expérience. Vous êtes dans une certaine dimension le matin en vous levant, et dans une autre le soir en vous couchant. Vous êtes dans une dimension particulière quand vous êtes ivre, et je suis sure que je n'ai pas à vous convaincre que vous évoluez dans une dimension différente de celle de vos parents ou de votre employeur!
** Le mental désigne simplement l'ensemble des activités cognitives ( pensées, images etc). N'en faites pas un ennemi, c'est un outil sans lequel vous ne seriez même pas capable de vous lever le matin. Les ennuis surviennent lorsque nous filtrons notre réalité uniquement à partir de cet outil, mais la solution ne réside pas dans son élimination, c'est de toute façon impossible (à moins de désirer devenir complètement végétatif).
L'Éveil spirituel comme état
Après un certain moment passé à essayer d'obtenir une expérience qui clairement ne vient pas (ou ne dure pas), le chercheur passe à un mode de recherche plus subtil. Il s'imprègne des contenus réminiscents des philosophies orientales, en particulier bouddhistes. Ces textes nous disent, grosso modo, qu'il faut parvenir à se désidentifier de toutes pensées, émotions, sensations, et ce à grand renfort de méditation et de contemplation. Ce détachement nous permettrait alors de réaliser que nous ne sommes pas une petite personne indépendante, mais l'espace de conscience illimité et intemporel dans lequel tout apparaît. Demeurer dans cet état nous permettrait alors de dissoudre progressivement tout ce qui est "faux" et de vivre dans la paix et l'harmonie.
Encore une fois, c'est vrai, par la relaxation de l'attention, qui est constamment fixée sur des objets physiques, mentaux ou sensoriels, elle retourne à son origine, ce qui permet alors de réaliser que nous ne sommes pas fondamentalement un package d'image et de sensations, mais l'espace imperturbable et indivisible dans lequel tous ces mouvements émergent et disparaissent. Cet accès à la conscience pure se fait généralement par épisodes, on perce la densité du mental l'espace de quelques secondes, et l'instant d'après, hop! la conscience se retrouve à nouveau empêtrée dans la structure égoïque. En pratiquant cette relaxation de façon systématique, ces périodes s'allongent, jusqu'à ce que notre sens d'identité bascule définitivement.
Pour illustrer ce mouvement en termes physiques et concrets, imaginez une méduse, dont l'attention est exclusivement concentrée sur l'extrémité d'un de ses tentacules, au point qu'elle en oublie qui elle est... Elle devra alors se désidentifier de ce tentacule en réalisant qu'elle en est avant tout l'observatrice. Puis, relâchant progressivement son attention, elle s'apercevra qu'elle est en réalité un organisme bien plus grand et puissant (et gélatineux :p).
Le premier phénomène qui est rencontré dans cette approche particulière, est que très souvent, ce n'est pas un désir profond de vérité et d'authenticité qui nous anime, mais le besoin désespéré de l'identité conceptuelle (voir mon article "Qui a peur du grand méchant Ego?" à son propos), qui voit dans l'accès à cet état de conscience, le moyen d'obtenir ou de fuir quelque chose. Elle le voit comme un but à atteindre, qui, elle espère, lui permettra d'accéder à ce qu'elle cherche (elle ne sait d'ailleurs, bien souvent, pas vraiment ce qu'elle cherche). Le plus grand être que nous sommes vraiment, la conscience, elle, n'a simplement pas encore l'impulsion de revenir à elle-même. C'est probablement l'une des choses les plus difficiles à accepter, mais tant que la conscience n'est pas prête, tant que l'exploration de l'identité limitée n'est pas arrivée à sa date d'expiration, tant que le Soi n'a pas décidé de réclamer sa juste place, l'on peut utiliser toutes les techniques et processus du monde, le basculement durable ne se fera tout simplement pas. Et ça n'est pas un problème. Dans ce cas, faire le deuil de sa recherche d'éveil, et de tous les espoirs que vous y avez mis, est ce qui vous permettra d'avancer sur votre chemin. Réorientez simplement votre recherche vers ce que vous désirez VRAIMENT, plutôt que d'essayer d'obtenir un truc appelé Éveil comme intermédiaire vers la paix et le bonheur. C'est, paradoxalement, par cet abandon que vous avez le plus de chance de croiser son chemin.
Le deuxième phénomène qui en découle est la récupération de l'espace de la conscience par l'identité séparée. En effet, lorsque le cheminant goute à cet espace de conscience, de façon quasi systématique, se créé une nouvelle identité, dont les croyances et concepts se sont adaptés à ce qui est vécu lors de ces états. C'est une identification assez difficile à voir, sur laquelle une majorité de cheminant et d'enseignants restent bloqués, parfois jusqu'à la fin de leur vie. Il s'agit là d'un faux sens de libération, notre rapport à la réalité est toujours majoritairement cognitif; nous avons simplement calqué nos paramètres & filtres conceptuels sur nos expériences et réalisations. Le cerveau est aussi très doué pour mimer la vacuité, et l'on peut facilement se retrouver bloqué dans une structure mentale vide, stérile. Nous nous imaginons alors être dans l'espace de la conscience, alors que nous sommes toujours embourbés dans l'espace mental, qui s'amuse à faire le mort. Encore une fois, tout ceci n'est pas un problème, et constitue une étape tout à fait banale et prévisible, mais qui nécessite une bonne dose de lucidité et de sincérité vis-à-vis de soi-même si l'on souhaite la dépasser.
Personnellement, je trouve que la désidentification aux pensées, images et sensation via l'état méditatif est assez indispensable, mais elle ne constitue pas une fin en soi! Son principal atout est qu'elle est le moyen le plus puissant et le plus direct pour court-circuiter la machine infernale qu'est devenue notre appareillage mental au fil des années. C'est un peu comme redémarrer un ordinateur qui a un million de programmes et pop-up clignotants ouverts, et dont l'arrière-plan est difficilement accessible. Le re-démarrage permet d'avoir une vue claire de ce qui se passe, mais il ne s'agit pas de rester à jamais immobile à méditer devant son écran vide, mais bien d'utiliser cette interface pour réparer et réhabiliter les éventuelles données corrompues dans un premier temps, puis d'être enfin libre de jouer, construire, créer, découvrir et connecter en tout confiance!
Éveil spirituel & annihilation
Cette vision de l'Éveil et de la quête spirituelle consiste en une sorte de mélange des deux catégories précédentes. Ce modèle est souvent issu des propos d'un être qui s'est, de façon tout à fait soudaine, retrouvé hors de l'identité conceptuelle. Il découvre alors que cette chose qu'il pensait être depuis toujours, ce petit moi qui semblait si solide et réel, est en réalité complètement imaginaire... quant au monde, qu'il pensait fait de matière concrète et finie, il n'a jamais eu de réalité en dehors de sa perception. Bref, il, en tant qu'individu fait de chaire, séparé et indépendant de son environnement, n'existe pas.
Lorsque cette expérience, ce soudain "bug" s'achève, la conscience retourne immédiatement se cramponner à la structure égoïque, et mentalise alors complètement ce qui vient de lui arriver. Par un processus semblable à celui expliqué précédemment, une nouvelle identité voit le jour, présentant des identifications et concepts calqués sur l'expérience
qui vient d'être vécue. À la différence d'une personne qui accède de façon progressive et répétée à l'espace de la conscience, ici il s'agit généralement d'une, ou de quelques expériences à caractère unique et bref. L'individu n'a pas eu le temps de s'imprégner d'éléments subtils, aucune connaissance plus familière et intime de la dimension de l'être n'a eu le temps de s'installer. Tout est donc entièrement décrit à partir de références purement mentales, et donc comme une absence, un vide, une non-existence. S'ensuivent alors des propos très caractéristiques de type "il n'y a personne", "je n'existe pas" etc.
Ce type d'enseignement est surtout courant dans nos sociétés occidentales modernes, car il est tout à fait en phase avec notre façon d'appréhender la réalité. Il est empreint des filtres à tendance nihiliste, ultra-rationnelle et déconnectée du Soi. Les conséquences négatives de ce type de transmission sont très prévisibles : le cheminant pense qu'il doit se supprimer et s'éloigner de lui-même afin d'accéder à l'éveil... alors que c'est précisément dans la démarche inverse, en plongeant profondément en soi, et en investiguant pleinement son individualité que la vérité de son être se révèlera.
Toujours aucun souci, si ce genre d'enseignement vous parle, c'est tout simplement qu'il est celui dont vous avez besoin là, maintenant. Il n'y a vraiment pas de bonne ou mauvaise étape sur un chemin spirituel, chaque pas est entièrement valide et important. Simplement, si ce genre de discours vous déprime, vous fait vous sentir mal au coeur de votre être, que votre intuition vous chuchote qu'il y a plus que ça, faites-lui confiance. Il y a plus. La raison pour laquelle un être reste bloqué en mode "il n'y a personne, le personnage n'existe pas, il n'y a rien" est précisément parce qu'il parle depuis la perspective de la personne limitée (c'est la personne qui joue à être personne! trop mignon!), pas de la Source-conscience. Depuis la perspective de la Source, le vide et l'absence sont une impossibilité, rien n'est exclu, rien n'est illusion, tout est absolument vrai, incroyablement vivant et vibrant. N'ignorez pas la profonde conviction que ce que vous êtes est précieux et réel.
Éveil spirituel & croyances new-age
Dans ce paragraphe j'inclue un nombre très large de visions de l'Éveil et de la spiritualité, qui ont comme caractéristique commune de raconter une histoire à propos de l'humanité et de son évolution spirituelle. Elles sont bien trop nombreuses pour en faire une liste et je n'en connais pas les détails de toute manière. Typiquement, elles parlent d'ascension planétaire, d'augmentation vibratoire de la Terre, d'expansion de conscience, d'anges, de guides, d'extraterrestres, de travailleurs de lumière, d'indigos etc.
La question n'est pas tant de savoir si ces récits possèdent une réalité ou pas, mais de voir qu'ils constituent une simple histoire mentale : on sélectionne arbitrairement une série d'images et de pensées, souvent elles-mêmes empruntées à la réalité d'un tiers, puis on les passe au filtre de notre propre histoire et personnalité, on les colle ensemble, et nous sommes persuadés que cela constitue LA réalité, alors que nous avons simplement réalisé notre petit film perso. Ce n'est rien d'autre qu'une configuration
de pensées,images et sensations auxquelles notre conscience s'est collée d'un peu trop prêt. Ce n'est pas un problème en soi, mais c'est important de voir que cela ne constitue rien de plus qu'un film qui prend son origine dans notre cerveau, et que nous projetons ensuite sur la réalité. Ce n'est donc pas la réalité ultime mais une version conceptuelle et aléatoire, et qui est donc par nature même limitée et limitante. Dans cette vision-là, notre véritable nature devient une suite de mots et d'images dans la tête et l'Éveil un événement imaginaire aux propriétés cinématographiques.
Nous ne sommes alors donc pas plus dans la réalité que le prochain type que l'on croise dans la rue, mais simplement dans une version réaménagée avec un thème spirituel... Prenez la métaphore de l'appartement : vous avez beau le redécorer entièrement, changer tous les papiers peints, refaire les peintures, remplacer les meubles, vous resterez toujours dans le même appartement. Son apparence aura beau être différente, vous aurez toujours affaire aux même fondations qui limitent l'espace dans lequel votre existence se déroule. L'Éveil, c'est abattre tous les murs de l'immeuble et contempler l'horizon qui s'offre à vous.
Nul besoin de nier son intérêt pour tous ces sujets non plus, à titre personnel il y en a plus d'un qui éveillent ma curiosité, mais simplement prendre conscience qu'ils constituent une histoire, qui ne saurait définir la réalité. Même si ces récits sont captivants et positifs, ils ne constituent qu'une petite vision limitée dans une réalité océanique, et peuvent donc nous couper de la liberté et de l'espace ou la rencontre avec soi/les autres se déroule véritablement.
Éveil spirituel & Conspirations
On peut considérer cette vision-là comme une sous-catégorie de la précédente. Pour un bon nombre de personnes, l'Éveil semble principalement inclure la prise de conscience comme quoi la société dans son ensemble est gangrénée de conspirations en tous genres, de la plus banale à la plus incroyable.
Dans cette façon de voir les choses, nous avons encore sélectionné une série de pensées, images & sensations, passée au filtre de notre propre identité conceptuelle, et nous croyons alors dur comme fer que cette sélection mentale constitue la seule et unique réalité. Encore une fois, la question n'est pas de déterminer si ces histoires ont un fondement réel ou pas, mais de voir qu'il
s'agit d'une seule version subjective de la réalité, et que rien ne vous oblige à la prendre en compte. En vérité, toutes les réalités sont valables et coexistent en même temps: il n'y a pas une seule réalité tangible et extérieure dans laquelle nous évoluons tous; mais au contraire, nous avons tous notre propre bulle-réalité entièrement personnelle - à la manière d'un hamster dans sa balle - et nous pouvons choisir laquelle expérimenter en fonction d'où nous portons notre attention.
Et donc la question à sincèrement se poser est la suivante : ai-je vraiment envie de vivre dans une réalité faite d'êtres malveillants qui essaient de me persécuter et de m'esclavager, et contre lesquels je dois lutter? Notez qu'il n'y a pas de bonne ou mauvaise réponse à cette question. Après tout, l'expérience humaine n'est rien d'autre qu'un jeu vidéo ultra réaliste, et il se pourrait bien que vous ayez sincèrement le désir de vivre dans cette réalité là. Sachez toutes fois que si tel est là votre véritable appel, vous ne vous sentirez jamais mal ou en lutte, mais au contraire en harmonie et dans un sentiment de puissance tranquille.
Si vous aimeriez expérimenter une autre réalité que celle-ci mais avez l'impression que c'est impossible, qu'elle vous poursuit quoi que vous fassiez, c'est un signe qu'il y a des blocages, traumatismes, émotions, qui ne sont pas résolus et qui sont donc projetés et répétés sur l'écran de votre vie personnelle. Il est alors essentiel de faire preuve d'une grande honnêteté et courage vis-à-vis de soi-même, et de faire face à ce que l'on cherche à fuir...en décrochant son attention de l'événement extérieur, et en revenant au fondement du désespoir, de la peur, de la colère, qui ne prennent pas leur origine dans une réunion de banquiers sociopathes mais bel et bien en SOI.
Mais c'est quoi l'Éveil alors ???
Hé bien, l'Éveil est simplement un mot dont les définitions varient d'un individu à l'autre... mais qui pointent toutes vers quelque chose qui nous anime profondément. Nous avons tous au fond de nous cette conviction, cette force conductrice qui nous pousse encore et toujours à rechercher la liberté, la joie, l'amour, peu importe les peines et les désillusions rencontrées le long de notre chemin, peu importe les croyances que nous avons adoptées sur la nature de la vie. Même la personne aux croyances les plus nihilistes continue secrètement, au plus profond d'elle-même, à espérer trouver cette liberté.
Nous cherchons partout cette chose, que ce soit dans des objets, les relations, les expériences, les états de conscience modifiée... nous cherchons partout jusqu'à ce que, découragés par cette course sans fin, nous nous arrêtons, exténués, las, prêts à tout abandonner... et c'est là, contre toute attente, que la réalité de notre être commence à se dévoiler... c'est ça la grosse blague de l'éveil, nous cherchons partout quelque chose que nous sommes déjà, et qui nécessite simplement un retournement de son attention vers soi pour s'en rendre compte. Toute la quête spirituelle consiste à faire un gros tour sur soi-même, nous parcourons l'univers entier pour se retrouver exactement là où nous étions au début... c'est pourquoi l'on peut lire des références au "rire du sage" dans plusieurs recueils dédiés à l'éveil spirituel, car en effet, on ne peut que rire face à la stupide simplicité de ce que nous avons cherché si ardemment, si longtemps, dans tant d'endroits différents, alors que c'était déjà là où nous nous trouvions. C'est aussi bête que de retourner l'entièreté de sa maison à la recherche de lunettes posées sur le bout de notre nez.
L'Éveil n'est pas un événement, pas une expérience, pas un état de conscience particulier. L'éveil est la fabrique même de la réalité, c'est la substance que nous sommes tous, la substance dont le Monde et les rêves sont faits. Même les choses les plus terribles n'en sont qu'une extrême modulation. C'est omniprésent et à la fois insaisissable, tout comme l'air, nous baignons dedans en permanence. C'est pour ça que ça n'a pas de sens de dire d'une personne qu'elle a atteint l'éveil, tout comme cela n'aurait pas de sens de prétendre avoir "atteint l'air". Non, nous sommes tous déjà aérés de base! Et nous devons simplement arrêter de courir partout, paniqués, en hyperventilation, à chasser des tornades extraordinaires qui nous en mettent plein la vue, ou à s'accrocher à une météo en particulier, et à la place, commencer à relaxer tout notre être... pour faire enfin connaissance avec cet air qui nous englobe et nous habite en permanence.
Il est aussi important de noter que cette réalisation ne met pas fin à notre sens d'individalité, par contre elle permet de dissoudre le sens d'identité conceptuelle que nous supposons être. À l'inverse des idées populaires comme quoi la réalisation de l'éveil anéantie un truc appelé ego, elle permet une levée de toutes les limitations qui ont été placées sur notre être... il n'y a donc rien qui est supprimé ou diminué, au contraire, nous devenons plus grands que jamais. L'individualité devient alors authentique, une expression fluide, unique et infiniment précieuse d'un aspect de la conscience-Source.
Enfin, l'Éveil n'est pas une fin. Sa réalisation n'efface pas magiquement toutes les accumulations traumatiques et besoins non satisfaits de notre vie, et il s'agit maintenant de l'incarner dans chacune de nos cellules, d'amener cette compréhension lumineuse dans chaque recoin sombre de notre être, de réhabiliter chaque part exilée de notre individualité ... et il n'y a pas besoin que cette réalisation prenne place pour commencer dès aujourd'hui à faire la paix avec qui vous êtes; en fait, je suis même persuadée que le chemin de la guérison et de l'amour de soi y conduit tout naturellement... et d'ailleurs, posez-vous la question suivante : si vous vous sentiez en paix, libre, confiant, heureux, aimé et connecté aux autres, chercheriez-vous toujours un truc appelé Éveil?
Sonja
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